Innovation : des drones au service des chasseurs de frelons

En 2004 le frelon asiatique (Vespa velutina « nigrothorax ») est arrivé en France par le biais involontaire d'un importateur de produits manufacturés chinois. Sa présence dans le Sud-Ouest faisant vite tâche d'huile à tout le territoire français et bientôt à toute l'Europe, le secteur de la désinsectisation s'est vite adapté. Les nids de ces insectes nuisibles étant souvent placés très haut dans les arbres, les professionnels « chasseurs de frelons » ont vite pensé à des techniques de lutte par drones.

Ces techniques ont de réels avantages mais également de forts inconvénients. Où en est-on aujourd'hui quant à l'utilisation de ces engins volants dans la lutte anti-frelons ?

Pourquoi les chasseurs de frelons utilisent-ils des drones ? 

Octobre 2004 : une boule beige d'un diamètre de 50cm est repérée au sommet d'un arbre à proximité du dépôt national d'une grande enseigne commerciale. Un peu surpris de cette présence, les responsables des entrepôts n'ont pas l'idée de génie de prévenir les autorités sanitaires.

L'année d'après, ce sont plusieurs nids de la sorte qui sont repérés sur tout le bassin de Villeneuve sur Lot (47). Mais c'est déjà trop tard. Le temps que les pouvoirs publics s'organisent, l'expansion est devenue incontrôlable.

La majorité de ces essaims se forme en hauteur, à la cime des arbres, sous les toitures des maisons et bâtiments, et parfois sur des pylônes destinés au transport d'électricité. Cela rend très difficile l'accès aux agents de désinsectisation.

Les Services Départementaux d'Incendie et de Secours (SDIS), ont progressivement abandonné leurs compétences de lutte contre les guêpes et frelons. L'arrivée du frelon asiatique n'a fait que confirmer que l'activité estivale d'élimination des nids leur empêchait de garantir une bonne qualité de leurs services d'interventions d'urgence. Vous ne verrez dorénavant que très rarement les pompiers déplier leur grande échelle pour détruire un nid de guêpes ou de frelons (sauf cas particulier ou danger imminent).

De ce fait, la profession de la désinsectisation a dû s'adapter. Pour parer à la problématique du travail en hauteur, les chasseurs de frelons se sont équipés de grandes échelles, matériel d'élagage, cannes de traitement de grande longueur, et certains ont commencé à utiliser des drones de traitement.

Quels sont les modèles de drones utilisés par les entreprises de désinsectisation ?

Le drone a fait son apparition dans le métier de la 3D (dératisation-désinsectisation-désinfection) par la grande porte, à grands coups d'articles dans la presse régionale et nationale. Le premier à avoir développé et testé un prototype de drone chasseur de frelons a été Etienne Roumagnac de l'entreprise Landes Guêpes et Frelons LGF, située à TOULOUZETTE (40250).

Son premier drone était un hexamoteurs équipé d'un récipient de poudre insecticide (perméthrine) et d'une longue aiguille capable d'injecter la poudre en pression dans le nid.

Ce principe a été copié, et aujourd'hui quelques entreprises en France possèdent ce genre d'appareil.

Etienne développe de son côté d'autres drones.

Un principe alternatif de drone anti frelon a été développé par Guillaume Castagné de l'entreprise ALLO FRELONS basée à MONTECH (82700). Ce drone porteur qui est aussi un hexamoteurs possède un brûleur au bout d'une perche légère. 

Les essais ont été effectués sur une cinquantaine de nids de frelons asiatiques tous très haut perchés, dans les départements du Tarn et Garonne, du Lot, de l'Aveyron, du Tarn, du Gers, du Lot-et-Garonne et de la Haute Garonne, pendant 2 ans. Le principe est de mettre le feu au nid avec un combustible. Les frelons se brulent les pattes et les ailes et le nid est entièrement détruit.

Un drone « nouvelle génération » a fait son apparition récente en Chine en 2020. Il est capable de brûler un nid de frelons asiatiques à distance grâce à un véritable lance-flamme. Attention néanmoins aux risques d'incendie.

Quels sont les avantages de l'utilisation des drones pour lutter contre les frelons ?

Le principal avantage est le fait qu'il ne soit plus obligatoire de grimper jusqu'au nid pour le détruire.

Il n'y a donc plus aucun risque de chute en hauteur et beaucoup moins de risque de piqûres.

Pas besoin non plus d'enfiler une combinaison spéciale dans laquelle il fait très chaud et qui limite fortement la liberté de mouvements.

La grimpe dans l'arbre grâce à une grande échelle et/ou du matériel dédié à l'élagage produit des vibrations qui arrivent jusqu'au nid et alertent la colonie. Quand le technicien arrive à proximité les insectes ont déjà déclenché des attaques. Ils essaient de piquer au travers de la combinaison, et envoient du venin et de l'urine dans les yeux au travers de la visière grillagée.

Bref, plus de sécurité, plus de rapidité d'exécution des tâches, plus de confort.

Un autre avantage de l'utilisation du drone, même si on n'y pense pas en première intention, touche à son caractère ludique et ultra-tendance. Certains clients vous contactent vous plutôt que la concurrence car ils sont curieux de voir voler le drone. La technologie dernier-cri est également gage de qualité de services dans l'inconscient du client. Le drone peut devenir un atout majeur dans la stratégie commerciale d'une petite entreprise.

Quels sont les principaux freins à l'utilisation des drones ? 

L'outil drone semble prometteur dans la lutte anti-frelons. Même si les promesses sont belles, quelles sont les limites à son utilisation quotidienne ?

• La première difficulté est liée à la règlementation qui est de plus en plus compliquée pour les professionnels. Depuis 2018, tout drone qui pèse plus de 800 grammes se doit d'être homologué et immatriculé. La Direction Régionale de l'Aviation Civile (DGAC) fournit une attestation de conception et un certificat de conformité à toute personne développant son propre appareil.

Les drones étant considérés comme des aéronefs, il est demandé d'acquérir un brevet de pilote ou de télé-pilote d'aéronef.

Chaque vol du drone doit être autorisé par la DGAC selon son scénario de vol.

Faire voler un drone pour son activité professionnelle devient aujourd'hui de plus en plus difficile. Pour des missions très courtes et ponctuelles comme des destructions d'essaims de frelons asiatiques, le travail administratif est souvent plus conséquent que la part technique.

• Un deuxième frein à l'utilisation du drone pour chasser le frelon est la proximité des branches. En effet, le nid n'est pas toujours accessible facilement. Quand il se situe à l'intérieur du houppier de l'arbre, il est parfois impossible de réaliser l'opération.
• Même si les fabricants s'améliorent de jour en jour, la capacité des batteries et souvent assez faible, obligeant l'opérateur à un roulement incessant de chargements. Ces appareils-là étant assez lourds ou très lestés (réservoirs, poudres, liquides embarqués), ils ne restent pas en charge très longtemps et le changement de batteries est assez fréquent.
• Les appareils sont soumis à la météo : impossible de les faire voler sous la pluie ou en cas de vent fort. Les éruptions solaires peuvent aussi contrarier les stabilisateurs GPS. Il est raisonnable de consulter chaque jour la météo solaire pour voir si l'appareil sera stabilisé ou s'il faudra le piloter en mode manuel.

Il n'est donc pas toujours facile ou possible d'effectuer la destruction d'un nid avec un drone.

Où en-est-on vraiment aujourd'hui de cette inovation ? 

Il existe en France un peu plus d'un millier de professionnels de la désinsectisation. Souvent la destruction des nids de guêpes et frelons ne représente qu'une petite partie de leur activité.

Certains font de la dératisation et s'occupent de la lutte contre les autres animaux nuisibles (cafards, punaises de lit, termites, pigeons). D'autres en font une activité secondaire à leur métier d'élagueur-grimpeur, ramoneur, apiculteur.

Aujourd'hui, on estime à une quinzaine le nombre de drones qui volent régulièrement à la recherche ou pour la destruction des nids de ces frelons d'Asie.

Ces appareils ne sont pas réservés qu'à cet usage. Certains les ont adapté et s'en servent aussi pour la photographie, le nettoyage de toitures, le traitement des chenilles processionnaires du pin, ou d'autres activités.

Il reste encore beaucoup de détails à améliorer quant à la conception et à l'utilisation de ces petits appareils.

On en est encore aujourd'hui à la préhistoire de la lutte contre le frelon asiatique. On ne sait encore pas grand-chose sur lui et beaucoup d'études sont en cours. Leurs résultats et leur lecture serviront à la lutte dans les années qui viennent.

L'utilisation du drone depuis quelques années a permis de tester de nouveaux process. On n'en est qu'au début d'un long cheminement d'expérimentations techniques. Il est sûr que nous trouverons les bonnes solutions dans les mois, les années qui viennent pour aider les écosystèmes à réparer une fois de plus les erreurs humaines.